L’icône Albazine de la Mère de Dieu "le Verbe
s’est fait chair" (également icône du Signe) représente le Christ enfant, debout dans une mandorle
devant le sein de Sa mère. Son nom vient de la forteresse russe d’Albazine (à
présent village d’Albazino) le long du fleuve Amour, établissement fondé en 1650
par le célèbre ataman russe des frontières Hiérothée Khabarov, sur le site d'une
colonie du Prince Albaza.
Cette présence de la forteresse d’Albazine sur
l’Amour devint objet de haine pour l'empereur chinois et ses généraux,
qui rêvaient déjà d'étendre leur influence sur l'ensemble de la Sibérie russe.
Le 24 mars 1652, veille de la fête de l’Annonciation,
le premier affrontement militaire des Russes avec les Chinois se produisit sur
l'Amour. Par les prières de la Très Sainte Mère de Dieu les païens furent
dispersés et s’enfuirent pour regagner leur propre territoire. Cette victoire paraissait
être un bon présage pour les Russes, mais cette guerre n’en était qu’à ses
débuts. Beaucoup de fils de la Sainte Russie moururent dans cette lutte, et
pour le triomphe de l'Orthodoxie en Extrême-Orient.
En Juin 1658 un détachement militaire d’Albazine, avec
270 Cosaques commandés par Onuphre Stepanov, tomba dans une embuscade et malgré
un combat héroïque ils furent complètement anéantis par les Chinois.
L'ennemi brûla Albazine, passa en terre russe, et emmena
la population locale en Chine. Ils voulaient que les terres fertiles cultivées par les russes soient de
nouveau un désert.
Pendant ces années difficiles la Toute Sainte Mère
de Dieu montra des signes de Sa miséricorde sur la terre de l'Amour. En 1665,
quand les Russes revinrent reconstruire Albazine. Un prêtre, le staretz Hermogène
du monastère de la Sainte Trinité de Kirensk était avec eux. Il avait avec lui une icône
miraculeuse de la Mère de Dieu "le Verbe fait chair", appelée depuis
icône d’Albazine.
En 1671, le saint staretz construisit un petit
monastère à la marque limite de la pierre Brusyan (à un kilomètre et demi d’Albazine
près de l'Amour), où l'icône sainte demeura ensuite.
Albazine a été construit. Des prêtres officiaient
dans deux églises de la ville, celle de l'Ascension du Seigneur et celle de Saint
Nicolas le Thaumaturge. Non loin de la ville (le long de l'Amour), un autre
monastère (le Monastère Spassky) fut construit. Le sol fertile produisait du pain pour la
Sibérie orientale. La population locale s’adapta à la culture orthodoxe russe, et
entra pacifiquement dans l'Etat russe multinational, et fut protégé par la
Russie des raids et du pillage des seigneurs de guerre féodaux chinois.
Moscou renforça les défenses militaires de la région.
En 1682, le gouvernement militaire provincial d’Albazine fut formé. La
nourriture spirituelle des peuples de la région de l'Amour ne fut pas oubliée. En
1681, un concile local de l'Eglise russe adopta une résolution pour envoyer
"des archimandrites, des higoumènes, et des prêtres pour éclairer les
incroyants avec la loi de Christ." Les peuples des dauriens et des toungoutes
acceptèrent ensemble le baptême orthodoxe, de même que le prince daurien Hantimour
(baptisé Pierre) et de son fils aîné Katana (baptisé Paul).
Les serviteurs de l'empereur chinois se préparèrent pour
une nouvelle attaque. Le 10 juillet, 1685, après plusieurs incursions
infructueuses, ils marchèrent contre Albazine avec une armée de 15.000 hommes et
ils encerclèrent la forteresse dans laquelle se trouvaient 450 soldats russes
et trois canons. Le premier assaut fut repoussé. Les Chinois entassèrent alors du
bois de tous les côtés contre les murs en bois de la forteresse, puis y mirent le feu. La résistance s’avéra impossible. Emportant les choses
saintes, parmi lesquelles se trouvait l'icône miraculeuse d’Albazine, les
soldats abandonnèrent la forteresse.
La Mère de Dieu ne cessa point son intercession pour
sa ville choisie. Des éclaireurs rapportèrent que les Chinois commencèrent
soudain à se retirer d’Albazine, ignorant l'ordre de l'empereur chinois de détruire
les cultures dans les champs russes. L'intervention miraculeuse de la Céleste
Protectrice, non seulement repoussa l'ennemi du territoire russe, mais préserva
aussi le grain qui nourrit la ville pendant les mois d'hiver. Le 20 août 1685,
les Russes étaient de nouveau à Albazine.
Une année passa, et la forteresse fut de nouveau
assiégée par les Chinois. Il fallut
se défendre pendant cinq mois. Trois fois, en juillet, en septembre et en octobre,
les forces de l'empereur chinois donnèrent l’assaut sur les fortifications en
bois. Une grêle de flèches de feu et de boulets chauffés à blanc tomba sur la
ville. On ne voyait ni la ville ni ses défenseurs, tant il y avait de fumée et
de feu. Et les trois fois, la Mère de Dieu défendit les habitants d’Albazine de
leur féroce ennemi. Jusqu'en décembre 1686, où les Chinois levèrent le
siège, des 826 défenseurs de la ville seulement 150 hommes restèrent en vie.
Ces forces étaient insuffisantes pour continuer la
guerre contre l'empereur chinois. En août 1690 les dernier cosaques partirent d’Albazine
sous le commandement de Basile Smirenikov. Ni la forteresse, ni ses choses saintes,
ne tombèrent entre les mains de l'ennemi. Les fortifications furent rasées et
nivelées par les Cosaques, et l’icône de la Mère de Dieu d'Albazine fut
emportée à Sretensk, ville sur la rivière Chilka, qui se jette dans le fleuve Amour.
Mais même après la destruction d’Albazine, Dieu destina
ses habitants à rendre un autre service pour le bien de l'Eglise. Par la
Providence divine, la fin de la campagne militaire contribua à l'augmentation de
l'influence de la grâce de l'Orthodoxie sur les peuples de l'Extrême-Orient.
Pendant les années de guerre, une société d'environ une centaine de cosaques et
de paysans russes d’Albazine et de ses environs furent faits prisonniers et
envoyés à Pékin.
L'empereur chinois donna même des ordres pour que
l’on donne l'un des temples bouddhistes de la capitale chinoise pour en faire une
église orthodoxe dédiée à la Sophia, la Sagesse de Dieu [id est au Christ]. En
1695, le Métropolite Ignace de Tobolsk envoya un antimension, du chrême, des
livres liturgiques, et des vases sacrés
à l'église de Sainte Sophia. Dans une lettre au prêtre captif Maxime,
"prédicateur de l'Évangile pour l'Empire chinois," le Métropolite
Ignace écrivit: "Ne sois pas troublé, ni troublé en ton âme pour toi et
les captifs avec toi, car qui est capable de s’opposer à la volonté de Dieu?
Votre captivité n’est pas sans effet pour le peuple chinois, afin que vous puissiez
leur révéler la lumière de la foi orthodoxe du Christ. "
La prédication de l'Evangile dans l'Empire chinois porta
rapidement ses fruits et entraîna les premiers baptêmes de chinois. L'Église
russe s’occupa avec zèle du nouveau troupeau. En 1715, le métropolite de
Tobolsk, saint Philothée "l'Apôtre de Sibérie" (+ 31 mai 1727), écrivit
une lettre au clergé et aux fidèles de Pékin vivant sous le mission spirituelle
de Pékin, qui poursuivaient l’œuvre chrétienne pour éclairer les
païens.
Les années passèrent, et la nouvelle époque connut
la délivrance russe de l'Amour. Le 1er août 1850, lors de la procession du bois
précieux de la Croix vivifiante, le capitaine G.I. Nevelsky releva le drapeau
russe de Saint André à l'embouchure du fleuve Amour et fonda la ville de
Nikolaevsk-sur-l’Amour. Grâce aux efforts du gouverneur général de Sibérie
orientale, N.N. Mouraviev-Amoursky (+ 1881), et de saint Innocent, archevêque du
Kamtchatka (fêté le 31 mars/13 avril), et grâce à la nourriture spirituelle
prodiguée dans les régions de l'Amour et aux régions côtières, pendant plusieurs
années, des villes et des villages russes, et des établissements cosaques
furent construits sur la rive gauche de l'Amour.
Chaque année vit des progrès importants dans le
développement du territoire libéré, dans le développement de ses lumières et du
bien-être chrétien. En 1857 sur la rive de l'Amour quinze villages et colonies furent
été établis (Albazine sur le site de l'ancienne forteresse et Innokentiev,
nommé en l'honneur de saint Innocent –en russe Innokent). En une seule année, en 1858, il y eut plus de trente
établissements, parmi lesquels étaient trois villes: Khabarovsk, Blagoveschensk
et Sophiisk.
Le 9 mai 1858, pour la fête de saint Nicolas, N.N.
Mouraviev-Amoursky et l'archevêque Innocent du Kamtchatka arrivèrent dans le
poste Cosaque d’Oust'-Zeisk. Saint Innocent était là pour consacrer un temple
en l'honneur de l'Annonciation de la Mère de Dieu (Blagovestchenie, en slavon),
le premier bâtiment de la nouvelle ville. À cause du nom du temple, la ville fut
également appelée Blagoveschensk, en mémoire de la première victoire sur les
Chinois pour la fête de l'Annonciation en 1652, et en mémoire de l'église de
l'Annonciation d’Irkoutsk, où saint Innocent commença son propre service
sacerdotal. C’est aussi un signe que "de cet endroit ont procédé les
nouvelles bénies de la réintégration de la région de l'Amour comme territoire
sous souveraineté russe." Les nouveaux colons en chemin vers l'Amour,
voyageant à travers Sretensk, offrirent avec ferveur leurs prières à la Sainte
Protectrice de la région de l'Amour devant son icône miraculeuse d’Albazine.
Leurs prières furent entendues: les traités d'Aigounsk (1858) et de Pékin
(1860) assurèrent de manière décisive la possession de la rive gauche de
l'Amour et des régions côtières à la Russie.
En 1868, l'évêque du Kamtchatka, Benjamin
Blagonravov, successeur de saint Innocent, transféra la sainte icône de
Sretensk à Blagoveschensk, ramenant ainsi la célèbre icône sur le
territoire de l'Amour. En 1885, une nouvelle période commença pour la
vénération de l’icône de la Mère de Dieu d’Albazine et elle est associée au nom de
l'évêque Gurias du Kamtchatka, qui établit une commémoration annuelle le 9 Mars
et la récitation hebdomadaire d’un acathiste.
Pendant l'été 1900, au cours de la "révolte des
Boxers" en Chine, les vagues de l'insurrection déferlèrent même jusques à
la frontière russe. Les troupes chinoises apparurent soudain sur les rives de
l'Amour devant Blagoveschensk. Pendant dix-neuf jours, l'ennemi se tint
devant la ville défendue, faisant pleuvoir sur elle des tirs d'artillerie, et
menaçant d’invasion la rive russe.
Les bas-fonds de l'Amour permirent un passage à
l'adversaire. Dans l’église de l'Annonciation, des offices religieux furent
célébrés sans discontinuer, et des acathistes lus devant l’icône miraculeuse d’Albazine.
La Protection de la Mère de Dieu fut de nouveau étendue sur la ville, tout
comme elle l’avait été aux temps jadis. N’osant pas traverser l'Amour, l'ennemi
s’éloigna de Blagoveschensk. Selon les récits des Chinois eux-mêmes, ils virent
souvent une Femme Rayonnante sur les rives de l'Amour, leur inspirant la peur
et rendant leurs projectiles inefficaces.C'était la Toute Pure Génitrice de Dieu!
Pendant plus de 300 ans, l’icône miraculeuse de la
Mère de Dieu d’Albazine veilla sur la frontière russe de l'Amour. Les orthodoxes russes la vénèrent non seulement comme Protectrice des soldats russes, mais aussi
comme sainte patronne des mères. Les croyants prient pour les mères devant
l'icône pendant leur grossesse et pendant l'accouchement, "de sorte que la
Mère de Dieu leur accorde une santé abondante par la source de sainteté
inépuisable de son icône d’Albazine."
Version française Claude
Lopez-Ginisty
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